Dans Le vent se lève, Hayao Miyazaki, en partie inspiré par le roman de Hori, suggère une étonnante lecture du Cimetière marin de Paul Valéry en articulant cette référence avec l’histoire d’un ingénieur japonais, Jiro Horikoshi, le concepteur des chasseurs bombardiers japonais Mitsubishi A6M.

Le vent se lève, il faut tenter de vivre.

Tel est le célèbre premier vers de la 24e strophe du Cimetière marin. Tenter de vivre est aussi le titre d’un spectacle de Benoît Peeters, qui sera présenté durant le festival Les rencontres inattendues de la musique et de la philosophie de Tournai, le samedi 29 août à 10h30, et durant lequel Le cimetière marin sera lu par Robin Renucci – poème qui sera également travaillé pendant l’atelier de lecture que le comédien animera et qui se déroulera avant le festival, au sein d’une académie d’été au cours de laquelle François Bon animera un atelier d’écriture et Bernard Lubat un atelier d’improvisation musicale.

On peut faire l’hypothèse que Miyazaki, par ses références croisées au Cimetière marin et à Jiro Horikoshi, c’est à dire à l’aviation et à la guerre, apporte un éclairage à l’énigme littéraire que constituent les deux vers de Pindare formant l’exergue du fameux poème de Valéry :

Μή, φίλα ψυχά, βίον ἀθάνατονσπεῦδε,

τὰν δ᾽ ἔμπρακτον ἄντλει μαχανάν

que nous pourrions traduire ainsi :

O mon âme, cesse d’aspirer à la vie immortelle,

mais puise énergiquement aux sources de la mékhanè.

Cette traduction s’inspire d’un article de Alain Frontier, qui critique la traduction consacrée de ces vers par Aimé Puech :

O mon âme, n’aspire pas à la vie immortelle

mais épuise le champ du possible !

De fait, ce que Puech a fait disparaître de Pindare, c’est la mékhanè – l’artifice, qui peut toujours mal finir, tels l’avion de Horikoshi que l’on voit écrasé dans le film de Miyazaki, mais aussi les poèmes et les vers mal lus et mal interprétés, tels ceux de Pindare ou de Valéry, qui, comme inventions métriques, appartiennent au génie technique et artificiel qui caractérise l’humain en tant qu’il peut réaliser ses rêves. (Au début du film de Miyazaki, Horikoshi ne cesse de rêver – et son rêve tourne au cauchemar avec la défaite du Japon accablé par la vengeance atomique).

La question de l’artifice d’un côté et de son interprétation de l’autre est posée ici encore et repasse par le paradoxe sur le comédien de Diderot, dont nous nous étions entretenus avec Denis Podalydès, et dont nous repartons avec Robin Renucci pour nous concentrer sur ce dont celui-ci est un virtuose aussi bien qu’un penseur et comme une incarnation : la place de la métrique dans l’art dramatique.
1 Question : différence et répétition

2 Métrique, transmission de l’émotion

3 A propos de l’improvisation


4 Sur la hantise des Muses et le rapport au public

5 La métrique et la levée du texte (exemple)