Les yeux et les oreilles de Peter Szendy tournés vers les Ballets mécaniques de Dudley Murphy, Frenand léger et George Antheil

En 1924 était réalisé Le Ballet mécanique, une œuvre signée de Fernand Léger et Dudley Murphy, souvent apparentée à Dada, qui introduisait dans le cinéma “la civilisation machiniste” et ses automatismes cinq ans après la parution des Champs magnétiques dAndré Breton et Philippe Soupault et au moment même où paraissait le Manifeste du Surréalisme – textes fondateurs de la littérature du XXè siècle qui en appelaient à l’écriture automatique sous la dictée de l’inconscient et de “l’automatisme psychique pur”.

Le Ballet mécanique de Fernand Léger et Dudley Murphy sera présenté à Tournai d’une part le jeudi 27 août à 18h45 lors de l’académie d’été qui se tiendra juste avant le festival des rencontres Inattendues de la musique et de la philosophie, au cours d’une improvisation collective libre issue d’un atelier animé par Bernard Lubat, et d’autre part à l’ouverture du festival lui-même, le vendredi 28 Août à 18h heures, avec l’œuvre de George Antheil, qui sera interprétée sous la direction de Charles Michiels.

On attribue traditionnellement la paternité du film Ballet mécanique, à Fernand Léger, et si son action a été déterminante, les conditions de réalisation de cette œuvre restent floues.

Dans l’entre deux guerres, les artistes français et américains se rencontrent à la librairie Shakespeare and Compagny, ouverte par Sylvia Beach, compagne d’Adrienne Monnier. A partir de 1923, Dudley Murphy un jeune cinéaste américain s’attache à Man Ray après avoir vu Le retour à la raison. Tous deux s’associent et tournent les images d’un nouveau film, peut-être avec l’aide d’Ezra Pound. A la fin de 1923, ils sont à court d’argent pour la réalisation du montage et c’est Pound qui propose d’associer son ami Fernand Léger à l’entreprise, connaissant les recherches formelles de ce dernier et son intérêt pour le cinéma. A cette époque, Léger avait indirectement participé à la réalisation du film La roue, d’Abel Gance, il écrivait sur le cinéma. Il prendra en charge le Ballet mécanique financièrement, formellement et intellectuellement.

Léger écrit :

«Le Ballet mécanique date de l’époque où les architectes ont parlé de la civilisation machiniste. Il y a dans cette époque un nouveau réalisme que j’ai personnellement utilisé dans mes tableaux et dans ce film. Ce film est surtout la preuve que les machines et les fragments, que les objets usuels fabriqués sont possibles et plastiques. Contraster les objets, des passages lents et rapides, des repos, des intensités, tout le film est construit là-dessus. Le gros plan, qui est la seule invention cinématographique, je l’ai utilisé. Le fragment d’objet lui aussi m’a servi; en l’isolant on le personnalise. Tout ce travail m’a conduit à considérer l’événement d’objectivité comme une valeur très actuelle et nouvelle. »

(Fernand Léger, Fonctions de la Peinture – Conférence « Autour du Ballet mécanique »).

Dans le même temps, c’est encore Ezra Pound qui s’arrangera pour que George Antheil, jeune pianiste et compositeur américain, qui logeait au dessus de Shakespeare and Co, soit commissionné pour composer une musique d’accompagnement au Ballet Mécanique. Autoproclamé le « bad boy » de la musique moderne, ses prestations provoquent des émeutes, l’une est filmée et a servi à un autre projet cinématographique. Antheil composera une pièce pour 16 pianos mécaniques, 2 pianos standards, percussions, sonneries électriques, sirènes, et hélices d’avions, sans avoir regardé une image du film. Selon ses dires, Fernand Léger était ravi de la musique, il écrit à Pound avoir « dépassé ses espérances » (celles de Léger), mais les deux œuvres ne seront jamais effectivement synchronisées, la musique durant trente minutes, le film quinze, dans leur destin, les deux œuvres resteront relativement indépendantes.

Antheil écrit dans dans son manifeste : « My Ballet Mécanique : What I Mean. » :

« My Ballet Mécanique is a new FOURTH DIMENSION of music. My Ballet Mécanique is the first piece of music that has been composed OUT OF and FOR machines, ON EARTH. My Ballet Mécanique is the first piece of music that has found the best forms and materials lying inert in a medium that AS A MEDIUM is mathematically certain of becoming the greatest moving factor of the music of future generations »

(Mon Ballet Mécanique ouvre une quatrième dimension pour la musique. C’est la première pièce du monde qui fut composée pour des machines et à l’aide de machines. Mon Ballet mécanique est la première pièce qui aura trouvé les meilleurs constituants et la meilleure forme, restés jusque là inertes dans le médium musical, et qui, comme un nouveau médium, est mathématiquement certain de devenir le mouvement majeur pour la musique des générations futures.)

(notre traduction)

Ce sont ces deux œuvres que nous proposons d’ajouter au programme de réflexion du festival de Tournai et de son académie d’été.

Bernard Stiegler a demandé à Peter Szendy d’apporter la subtilité de son regard et de son écoute sur ces œuvres et leurs liens au cours d’un entretien filmé dont nous vous proposons des extraits, ainsi que des liens vers les œuvres elles-mêmes.

 

Le film muet :

Une version courte de la pièce musicale mais automatisée :

Une version complète :

Une tentative de synchronisation :

L’entretien entre Peter Szendy et Bernard Stiegler :

1 – Automatisation et improvisation

2 – Question à Peter Szendy

3 – Réponse sur le Ballet mécanique

4 – A propos de la musique de George Antheil

5 – Rythmicité et swing

6 – A propos des fantômes

7 – Sur l’organologie du sensible

8 – Sur l’annotation

9 – A propos d’une collaboration avec Georges Aperghis

10 – A propos des Stones et des Doors

Source :

http://www.openculture.com/2012/09/ile_ballet_mecaniquei_the_historic_cinematic_collaboration_between_fernand_leger_and_george_antheil.html

http://www.cineclubdecaen.com/realisat/leger/balletmecanique.htm

https://books.google.fr/books?id=ZDl6HsqFJwAC&pg=PA1&lpg=PA1&dq=dada+and+surrealist+films&source=bl&ots=zTl1toNg-G&sig=H1nWuiYK3sLObAhfIErs5lvJI-w&hl=fr&sa=X&ved=0CEIQ6AEwBGoVChMIh8efh7CXxwIVAaIUCh0FGQDZ#v=onepage&q=dada%20and%20surrealist%20films&f=false